ROUDOUALLEC....
texte intégral >>>>1934, un sauvage dans les Montagnes Noires de Spézet? (2)
deuxième partie
Je parque la voiture là, où s'arrête la dernière trace de chemin carrossable dans la brousse. Un sentier descend entre des roches moussues et des hautes fougères; arrivé à une carrière abandonnée, j'y aperçois la surface tranquille du canal. Une vieille écluse, vieille peut-être de cent ans.... En face, une maisonnette basse qui est habitée. Du linge pend à une corde. Un chien aboie.
Devant moi se tient un homme. Ce ne peut pas être Pierre Boudehen; c'est un vieux monsieur, bien rasé, avec un col blanc, qui me regarde étonné. C'est l'instituteur du village le plus voisin; il vit ici. Il me raconte tout ce qu'il sait de Boudehen, et me dit de le suivre. Nous marchons le long du fleuve où il n'y a ni route, ni chemin. Il grimpe à droite, écarte des branchages, et nous voici devant l'entrée d'une excavation.
"Ici, dit-il, Boudehen avait son trou jusqu'à l'année dernière."
Je m'y laisse tomber et, avec ma lampe de poche, je vois un puits abandonné, dépendant de la carrière. D'un côté, il y a une espèce de socle en pierre qui, couvert de fougères séchées, pouvait servir de lit au troglodyte. Le professeur m'explique que le bonhomme a été délogé de cette tanière et, en nous quittant, lui aussi me dit que Boudehen doit se cacher le long du fleuve.
Un autre jour, je flâne le long du canal, loin des régions déjà explorées. J'aperçois sur le talus dans les broussailles aux pousses vertes quelques branchages morts. La mousse semble piétinée. Je suis la trace à peine visible et arrive tout à coup au bas d'un rocher qui surplombe le voisinage. Au-dessous, une espèce de caverne. Dedans, un fagot de bois sec et une couche de foin. Une forte branche taillée est appuyée devant l'ouverture. Je vois les restes d'un feu entre les pierres noircies. Je suis aux aguets. Voilà la demeure encore chaude du Sauvage de la Montagne Noire de Spézet!
Je trouve encore des arrêts et des engins de pêche primitifs. Il y a encore des marches à grimper vers le promontoire d'où on a une belle vue sur toute la vallée.
Je redescends sur la berge. Là, un marmot pousse une vache devant lui. En toute hâte, je pose ma question pour la énième fois et une petite voix claire me répond:
"y a juste dix minutes là-bas, y péchaît!"
Malgré moi, je commence à courir, je me planque en observant comme le chasseur si le vent ne me signale pas au gibier. Stop! J'entends un chant, sans paroles, à peine un bourdonnement.
En marchant dans la direction du bruit tout à coup se dresse devant moi la silhouette d'un être humain qui se confond avec les broussailles, tant ses oripeaux ont pris une patine brunâtre. Il chante toujours. Très occupé à détacher un gros poisson de son hameçon, il ne m'a pas entendu venir. Ce n'est que quand, arrêté juste devant lui et que tout excité, je crie: "Pierre Boudehen?", qu'il fait volte-face comme un gibier surpris. Sa méfiance se dissipe bien vite, car par mes longues randonnées dans les bois et les sous-bois, je suis devenu quelque peu un "assimilé".
Les premières minutes, nous parlons peu. J'admire son butin: trois gros poissons, longs presque d'un demi-mètre, aux écailles dorées, posés sur l'herbe. je lui demande comment il s'y est pris, quand j'ai vu tant d'autres passer des journées entières et revenir avec un seul goujon! Il sourit avec malice; et c'est une expression extraordinaire dans ce visage de Christ.
Il m'explique que tant d'années passées le long de la rivière lui ont appris à appâter, à trouver les endroits poissonneux et surtout à bien manier ses engins de pêche. Il avait eu beau passer ses recettes à d'autres hommes, ceux-ci ne savaient pas en profiter. Avec la ruse primitive d'un sauvage, il a sa "chasse gardée" et ses secrets de chasse, et de pêche! C'est d'ailleurs un être plein de générosité et de franchise. Je lui demande son âge. Il penche la tête en me regardant en-dessous:
"Dis, je n'ai pas de cheveux blancs? Tu sais, je n'ai pas eu de miroir depuis sept ans!...."
En parlant de chasse et de pêche, nous devenons presqu'amis! Bien qu'il flaire ma curiosité, il m'invite à partager son repas. En un tour de main, il attrape un poisson, va le laver là où il l'a pris....
à suivre....
texte intégral >>>>1934, un sauvage dans les Montagnes Noires à Spézet? (3)
troisième partie
Le long du buisson, Boudehen ramasse des brindilles mortes et les pose au pied d'un arbre près duquel nous nous tenons. Avant que j'ai eu le temps de prendre dans ma poche mes allumettes, il tire de son sac une pierre et un frotteur en acier. Dans une boîte, il a des petits morceaux de bois vermoulus qui, après trois fortes étincelles, prennent feu.Il souffle dedans, tient les branchages secs sur la boîte, pousse en un clin d'oeil le brandon sous le tas de bois. Voilà le feu qui pétille. Deux rameaux verts dépouillés sont posés sur le feu qui se consume et, par-dessus, le poisson.
Le repas est savoureux. Le poisson est tendre et rose, et grillé à point. Ce doit être du saumon! Si les épices manquent, il y a un arrière-goût de feu de bois. A la place du pain, qu'il refuse d'acheter, il me donne des gros champignons crus, frais d'aujourd'hui. Pour le dessert, des mûres parfumées. Il se raconte avec un peu de réticence. On l'a fait prisonnier, on l'a envoyé très loin comme bûcheron, prêté à des paysans avec lesquels il ne pouvait pas parler.
Dans cette atmosphère, un mélange de prison et d'abandon, il faut chercher l'origine de ses singularités. Son état s'accentua peut-être encore à son retour, lorsqu'il fut incriminé pour un délit de vol. Il en a gardé une franche aversion contre tout ce qui est police, procédure et propriété privée. Il a peur de toucher tout ce qui ne lui appartient pas.Ce dernier sentiment va si loin qu'il refuse mon bon canif que je voulais lui laisser en souvenir, et qu'il ne veut pas me toucher la main au moment de lui dire au revoir.
A ses souvenirs d'uniformes, où la police et l'armée se confondent, s'ajoute la peur des mauvaises gens. Car il n'a plus qu'un désir: la Paix! Il n'attend rien de la protection, de la Patrie, des organisations, pas plus qu'on ne doit attendre de lui impôts et sacrifices de sa Liberté.Il ne veut pas travailler, mais il ne veut pas d'argent. Il n'accomplit aucune bonne action et n'en attend pas des autres non plus, ce qui ne l'empêche pas d'être un hôte parfait!
Boudehen nie tous rapports avec des hommes, même avec sa famille.Il a besoin de peu pour sa nourriture et ses vêtements, et se débrouille. Une légère contradiction tout de même: il a sur lui un chandail, qu'il n'a sûrement pas tricoté lui-même....
à suivre........
texte intégral >>>>1934, un sauvage dans les Montagnes noires de Spézet ? (4)
quatrième et dernière partie
Boudehen m'a confié qu'il avait, en amont du canal, une cachette avec quelques instruments de pêche en réserve, des sabots de bois qu'il avait taillés lui-même et je crois même une couverture pour les nuits d'hiver. Sa tête est couronnée par un ridicule petit chapeau d'enfant, qui forme un contraste criard avec ses boucles et sa barbe d'apôtre. Cela peut donner à soupçonner qu'un de ses marmots vient parfois le trouver avec un panier rempli, et que, par les nuits de tempête quand tous sont à l'abri, lui-même cherche son toit familial, craintif, comme une bête sauvage, pour en repartir aussitôt.
Boudehen me montre à la jambe une cicatrice récente: dans son dernier abri, on l'avait surpris la nuit, et enfumé avec des chiffons imbibés de pétrole. Le feu l'avait surpris dans son sommeil. Soudain, il bondit et, pour la première fois, je vois dans son visage une rage étrange. Il serre les poings, les agite vers le ciel et crie: "y n'm'auront pas!" Il donne des coups dans l'air, il montre les dents comme un animal: "à la fin, y z'ont bien décampé!"
Je lui demande où il dort en ce moment. Mais là, sa méfiance à mon égard n'a pas encore tout à fait disparu. Il me répond qu'il n'a pas d'endroit fixe, il s'étend là où il se trouve. Je ne lui dis pas que je viens de trouver son palais, très content en moi-même d'avoir effacé mes traces et d'avoir redressé les branchages tordus.
C'est le crépuscule.... Les brouillards montent de l'eau, le feu brille, moribond.... Je prends congé et lui demande où je le trouverai les jours suivants. J'ai envie de revoir mon sage.
"Pendant deux jours, dit-il, je reste pêcher là. Après, j'irai plus loin...."
Revenu le troisième jour, à la même place, je ne le trouvais plus. L'abri était abandonné.... Un homme dans une barque me cria qu'il l'avait vu la veille au soir... qui repartait.
F I N
Adieu, la Bonne Auberge du Saumon....
Cette auberge avait commencé à exister en l'année 1890 grâce à Monsieur Le Roux. L'incendie (criminel!) s'est produit dans la nuit du 8 juillet 2010. Au début, ce n'était pas encore une auberge, mais seulement un petit bistrot de la "gare de St-Thois" où il faisait bon boire le cidre fabriqué par le patron, et un peu plus tard manger la bonne nourriture de la patronne, parait-il. Enfin maintenant, tout cela n'est plus que souvenirs et nostalgie....
Pardon' Porzou....
Le Pardon de Notre-Dame-des-Portes
Chateauneuf-du-Faou (29) samedi 20 et dimanche 21 août 2011
L'été est la période des Pardons en Bretagne, ce qui explique pourquoi il y en a un ou deux chaque fin de semaine quelque part dans notre cher Pays Breton, plus ou moins proche de Roudouallec.
Cette fois-ci, c'est proche de notre commune, à Chateauneuf-du-Faou (29): le célèbre Pardon de Notre-Dame-des-Portes, auquel nous savons que quelques unes et quelques uns de nos compatriotes ont participé. Il y a d'abord eu la partie "nocturne", la messe et la procession aux flambeaux dans les rues de la cité, samedi 20 août 2011, où les messieurs étaient à l'honneur et à l'ouvrage! Ansi vont les us et les coutumes....
Les dames ont eu leur tour le lendemain dimanche 21 août, de manière tout aussi rayonnante, il faut le dire. Dans cet article, nous avons le plaisir de vous permettre d'admirer quelques unes des nombreuses photos prises nuitamment par notre ami de là-bas Hervé Morvan, dont le papa jadis tenait la boutique à l'enseigne délicieusement rétro "Au gai tic-tac"....